Décidés à se faire justice , des centaines d’individus en colère ont maintenu les commerces et les habitations de la ville de Sangmelima fermés en cette matinée du mercredi 24 mai 2023 après la mort suspecte d’un jeune “autochtone ” bulu , apparament assassiné par son patron “allogène ” bamoun. Les vidéos de ces scènes éffroyables abondament relayées sur les réseaux sociaux vont pousser le Gouverneur de la région du Sud à descendre sur les lieux accompagné de renforts de FMO afin de calmer la situation . Des incidents qui interviennent quelques jours seulement apres la célêbration de la 51e édition de la fête de l’unité nationale au Cameroun et qui déconstruisent lourdement le projet du vivre ensemble si cher au Chef de l’Etat, Paul Biya.
On a donc évité le pire dans la capitale du département du Dja-et-lobo, Région du Sud, en cette fin d’après midi de Mercredi qui restera dans les souvenirs comme une journée de panique, de violence aveugle, de tension et de pression pour tous les habitants de cette commune de plus de 50 milles habitants d’après le dernier recensement officiel de la population qui date de 2005 .
Toute la matinée, les mécontents vont dicter leur loi . ils ont réussi à instaurer un climat de peur qui a paralysé toutes les activités dans la ville : maisons closes, populations terrées à l’intérieur, boutiques et commerces fermés, écoles vidées par les parents apeurés, certains élèves introuvables, perdus dans cette cacophonie, transports paralysés, aucune moto ne roulant etc…Bref, c’était une image d’une ville contrôlée par des envahisseurs que sangmelima a présenté à la face du monde à travers ces incidents.
D’après les témoignages, c’est l’arrivée quelques heures plus tard du Gouverneur du Sud FELIX NGUELE NGUELE qu’ assistaient le Préfet DAMIEN OWONO et les Ministres LOUIS PAUL MOTAZÉ et GEORGES ELANGA OBAM qui va sauver la situation par un appel au calme . Les Forces de Maintien de l’Ordre entre-temps s’ étant impliquées elles aussi à faire baisser la tension . Une enquête a été ouverte pour faire jaillir la vérité sur cette affaire.
UN “BAMOUN” A TUÉ UN “BULU”
Cet un autre épisode du conflit autochtones-allogènes dans les villes et villages du Cameroun qui s’est ainsi déroulé à Sangmelima. À l’origine des tensions, le décès d’un jeune commerçant vendeur de friperie de l’ethnie locale bulu, soupçonné d’avoir été assassiné par son partenaire d’affaire bamoun suite à un différend financier de 500f . Le commerçant bulu ayant malheureusement perdu la vie mardi, dans la nuit, après que son patron Bamoun lui ai proféré des menaces sur sa vie quelques jours plus tôt , des paroles du genre “si tu ne me donnes pas mon argent , tu vas voir “. L’annonce de sa mort va donc mettre le feu aux poudres et entrainer les actes de violence relayés sur les réseaux sociaux avec pour légende accompagnant ces vidéos, ” c’est grave à Sangmelima depuis ce matin, un bamoun a tué un bulu”. Des publications qui orientaient déjà les commentaires des internautes vers l’exacerbation de ces tensions tribales de plus en plus récurrentes dans notre pays. Rappelons qu’en 2019 déjà, l’assassinat d’un jeune conducteur de mototaxi de la communauté Bulu par des brigands soupçonnés d’être des Bamoun avait déja entrainé de pareils réactions, avec pillage des commerces et refoulement des habitants ” allogènes” considérés comme des “étrangers ” dangereux.
LA GUERRE DES TRANCHÉES : AUTOCHTONES-ALLOGÈNES
Si on admet que le décès d’un proche fait mal et suscite des interrogations, il est cependant étonnant de constater la facilité avec laquelle ces actes iradient les préjugés sur les communautés dans notre pays. Un pied de nez au vivre ensemble pourtant prôné par le Chef de l’Etat Paul Biya .Sinon, comment comprendre que la situation à Sangmelima entraine facilement des débordements ciblant toute une communauté ? D’un soupçon d’affaire entre deux individus, deux commerçants , on tombe sur un conflit entre deux ethnies , des bulu d’un côté, les bamoun , de l’autre dans un schéma “autochtones contre allogènes” ? Des frictions entre les communautés abondamment relayées sur les Réseaux Sociaux et amplifiés par le clivage SARDINARDS # TONTINARDS découlant de la dernière campagne électorale des élections présidentielles de 2018 dans notre pays. Des divergences d’opinion qui depuis cette période amplifient les discours haineux et les replis identitaires au Cameroun, pays rassemblant pourtant , au-delà de la race , plus de 300 ethnies et donc, autant de cultures et de traditions.
Comment donc parler du vivre ensemble dans notre pays alors que les citoyens se regardent en chiens de faïence ?
N’oublions pas que dans notre pays, la culture du sentiment communautaire prend le pas sur l’identité nationale. On appartient d’abord à sa famille, son clan, sa tribut et même sa région, avant de se sentir camerounais. Les associations et autres comités de développement sont tous orientés vers le village . On s’y inscrit parce qu’on est originaire du coin . Les autres étant exclus. Tout comme les foyers culturels et la notion d “élite” qui le plus souvent est attribuée par chaque communauté aux enfants de ” son ” village . Les Chefs traditionnels ne sont pas en reste dans ces attitudes égoïstes qui minent l’unité nationale. En effet, au Cameroun, un chef ne l’est que pour les gens de sa communauté , respecté par ses pairs, au point ou parfois les citoyens des autres communautés installés dans son village ne lui font pas allégeance. Préférant se prosterner devant le REPRÉSENTANT DU CHEF de leur communauté. Des attitudes assez répandue sur l’ensemble du territoire national et pour lesquelles les autorités jusqu’à présent ferment les yeux, quand elles n’en font pas de la récupération politique. Nul ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude.



COMMENT EN FINIR AVEC LES DISCOURS HAINEUX ?
Dans un communiqué de presse signé le 24 mai 2023, le Ministre de l’Administration Territoriale rappelle et promet de faire désormais appliquer avec sévérité les sanctions prévues par la loi en matière de répression d’outrage à la tribu ou à l’ethnie au Cameroun . PAUL ATANGA NJI cite en guise d’avertissement l’article 241-1 du code pénal qui stipule que (1) ” Est puni d’un emprisonnement d’un (1) à deux (2) ans et d’une amende de trois cent mille (300 000) à trois millions (3 000 000) de francs, celui qui , par quelque moyens que ce soit , tient des discours de haine ou procède aux incitations à la violence contre des personnes en raison de leur appartenance tribale ou ethnique.(…)” Mais cette épée de Damoclès est-elle assez dissuasive pour faire taire les haineux quand on se souvient que c’est pas la première fois, parlant du cas spécifique de Sangmelima, que de tels incidents se produisent ? Comment faire appliquer cette loi sans exacerber les susceptibilités et éviter de faire passer les bourreaux pour les victimes ? Car ne l’oublions pas, dans les cités, c’est chaque communauté qui protège les siens ? La solidarité entre frères leur étant traditionnellement inculquée dès le bas âge ? Entre-temps, la fracture sociale se creuse davantage , amplifiée par l’incivisme et l’oisiveté des jeunes. Un mélange qui pousse généralement les ” démunis” à s’en prendre aux ” nantis” .
À l’évidence, aucune communauté ne peut diriger toute seule le Cameroun, d’ou la nécessité maintenant, plus que jamais pour chaque camerounais soucieux de l’ harmonie entre les communautés , de véritablement travailler chacun à son niveau à l’implémentation véritable du vivre ensemble en traitant l’autre comme soi-même . D’ou l’interpellation des leaders d’opinion qui doivent montrer désornais le bon exemple sous peine de lourdes sanctions comme le rappelle PAUL ATANGA NJI dans son communiqué :”(3) Lorsque l’auteur du discours de haine est un fonctionnaire au sens de l’article 131 du présent Code, un responsable de formation politique, de média, d’une organisation non gouvernementale ou d’une institution religieuse , les peines prévues à l’alinéa 1 ci-dessus sont doublées et les circonstances atténuantes ne sont pas admises.”
Les gouvernement tient finalement à rassurer l’opinion publique que chaque camerounais est chez lui partout ou il se trouve sur l’ensemble du territoire national. Mais, on ne peut s’empêcher de nous interroger sur ce que devient le concept d’ ” EQUILIBRE RÉGIONAL ” qui limite l’accès de certains compatriotes aux ” avantages de la République” du fait de leur origine . Entretemps, le calme est revenu dans la capitale départementale du Dja-et-lobo.
En attendant que ces mesures du MINAT portent des fruits, continuons d’œuvrer pour que la question du vivre ensemble cesse d’être une équation à plusieurs inconnues dans notre pays.
Ce que ça fait…ça fait !