“Urbanisme et architecture en terre : Un commun avenir au regard des réalités économiques, environnementales et sociales de demain” c’est sous ce thème qu’un colloque de deux jours a été organisé du 24 au 25 mai 2024 au Musée National à Yaoundé. Une initiative de Expertise France en collaboration avec le Ministère de l’Habitat et du Développement Urbain (MINHDU) avec pour ambitions d’orienter les reflexions sur le développement des constructions peu couteuses financièrement et plus respectueuses de notre culture, notre identité et notre environnement.
Sommaire
À l’ouverture des travaux, Madame Célestine Ketcha Courtes, Ministre de l’Habitat et du Développement Urbain (MINHDU) dans son propos de circonstance a tenu a rappeler que la question des constructions en terre est une problématique qui interpelle pas seulement le Cameroun mais toute l’Afrique entière qui partout sur le continent, compte tenu du faible revenu des ménages, exprime le besoin de maisons à moindre couts, encore plus respectueuses de l’environnement.
Étaient également présents à cette cérémonie d’ouverture, l’Ambassadeur de France au Cameroun, S.E. Thierry Marchand, le Président de l’Ordre National des Urbanismes du Cameroun, Paul Batoum Pondi ; le Président de l’Ordre National des Architectes du Cameroun Jean Christophe Ndongo, l’architecte Administrateur et enseignant à l’Institut des Beaux Arts de Nkonsamba, Salomon MEZEPO, ; le Professeur de sociologie Bruno Proth pour ne citer que ceux là. Bref, ce colloque a mis autour de la table des experts venus de France, des chercheurs, des enseignants et même des étudiants de nos universités qui réfléchissent à contextualiser voir tropicaliser l’habitat de notre pays.

NOS COMMUNAUTÉS À L’ORIGINE ONT TOUJOURS CONSTRUIT EN TERRE
Parmi les objectifs de cette initiative, l’urgence de lancer une réflexion sur la possibilité de création de villes en Afrique Centrale où il fait bon vivre . Des cités où une vision d’une modernité africaine de l’architecture pourrait se développer en tenant compte des pratiques, us et coutumes de nos communautés qui à l’origine ont toujours construit en terre.
Des maisons en matériaux locaux qui respectent notre histoire, notre identité, notre culture et qui par dessus tout tiennent compte des changements climatiques dans leur conception et leur construction en étant économiques, descentes et accessibles à toutes les couches sociales. Le projet en toile de fond étant d’aboutir à l’émergence de villes futuristes où la nécessité de modernité n’empêche pas la prise en compte des pratiques, pensées et techniques issues de nos cultures ancestrales. Des cités où les problèmes d’aménagement urbain, de circulation routière, d’ hygiène et de salubrité seront également gérés plus efficacement.
Actuellement au Cameroun le secteur des BTP subit par ricochet les effet de la vague d’inflation découlant de la récente augmentation du prix des carburants. Il faut donc trouver des solutions alternatives pour permettre aux citoyens d’éxécuter leurs travaux à moindre coût.D’ou la pertinence de ce colloque qui a pour avantage de sensibiliser encore plus les populations sur les avantages de ce type de construction . En effet, les constructions en terre ne sont toujours pas très répandues au Cameroun malgré les efforts des professionnels du secteur d’en faire la promotion.
La MIPROMALO par exemple,crée en 1990 mais qui démarre effectivement ses activités en 2000 avec la mise en place de son Conseil d’Administration, a depuis ces années pour mission de valoriser l’emploi des matériaux locaux , dont la terre, sous différentes formes, en vue de réduire les coûts des réalisations et des équipements nationaux. Son argument commercial : un meilleur rapport qualité/prix. Malheuresement, à l’observation et au vu de la dynamique dans les chantiers dans nos quartiers et villages, les initiatives de la MIPROMALO ne portent pas assez de fruits , proportionnellement à la promesse des fleurs.
Aux côtés de cet établissement public à caractère scientifique, placé sous la tutelle technique du Ministère de la Recherche Scientifique et de l’Innovation (MINRESI) d’autres structures dans le secteur privé se sont engoufrées dans cette brêche notamment Cameroon Eco-Building Solutions Sarl ( CEBS).Cette start-up propose sur le marché, des briques stabilisées à deux niveaux : une stabilisation chimique avec l’ajout des liants à la terre en fonction de sa constitution .Ensuite, il y a un traitement mécanique avec une presse hydraulique qui comprime ce mélange a haute pression pour des briques extrêmement solides. Ce qui augmente la dureté et la résistance des bâtiments à long terme.

PARMI LES OBSTACLES, LES MENTALITÉS RETROGRADES DES CITOYENS
Cependant, les efforts de promotion de ces matériaux innovants se heurtent à certains obstacles au premier rang desquels, les mentalités retrogrades et complexées des citoyens .
Dans leur grande majorité, ceux-ci associent encore à ce type de construction l’image de la pauvreté. Pour beaucoup au Cameroun, celui qui construit de nos jours en terre est démuni . Il n’a pas d’argent pour se payer des camions de sable, de graviers ou s’acheter des parpaings .
Autre obstacle, la fragilité de certains de ces batiments avec des murs qui s’effritent sous le coup des intempéries. Et troisièmement, le manque de connaissances de certains acteurs qui sans la maitrise des processus de fabrication ou la qualité des terres, se lancent dans la production et la commercialisation des briquettes ou des blocs de terre. Résultats des courses, des maisons d’apparence fragiles , pas très hestitiques, et qui découragent les porteurs de projets.

Pourtant selon les experts, les avantages d’une maison en terre sont multiples. D’apres Ronald Tchuikam, Ingénieur de Génie Civil en service à CEBS, sur le plan économique , la construction en BTCS (Briques de Terre Comprimées et Stabilisées) offre plusieurs avantages : les briques sont autobloquantes ce qui réduit considérablement la quantité de mortier lors de la mise en oeuvre. La construction ne requiert pas de coffrage en bois (pour les poteaux des plain pieds, linteaux et chainage), pas de saignée pour les réseaux électriques et la plomberie. Pas besoin de crépissage pour un mur en terre et les quantités de béton ainsi que de ciment utilisées dans l’ensemble de la construction sont réduites. Ce qui represente d’énormes poches d’économie financière sur le budget.
Concernant l’humidité ,pas de risques non plus. Les briques de terre , cuites ou stabilisées, sont des matériaux transpirants qui laissent passer l’humidité. Les murs ainsi construits n’ont pas de risque de moisissure.
Parlant du facteur durabilité, la maison en terre met des décennies voire des siècles plus longtemps que la maison en parpaings. La preuve avec ces constructions de l’époque coloniale , établissements scolaires ou maisons d’habitation, qui ont encore fière allure de nos jours dans nos cités et villages.
Sur le plan de la sécurité, les murs en terre d’après certains experts resistent plus à l’épreuve des balles surtout quand les éléments les constituants sont comprimés à très haute pression. D’ou leur préférence pour les constructions des habitats des militaires dans plusieurs pays comme le Tchad.
Tous ces éléments font en sorte que la construction en terre revient environ 15 à 20% moins cher qu’une construction en parpaings de ciment au niveau du gros oeuvre.

Du volet environnemental, d’apres le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC), 40 % des émissions de gaz à effet de serre sur la planète sont dûs au domaine du bâtiment et de la construction . En développant les constructions en terre, un pays comme le Cameroun, non seulement réduit son empreinte carbonne mais aussi limite les coups des importations tout en permettant de valoriser les produits locaux.
Paradoxalement, malgré tous ces avantages , l’usage des matériaux locaux dont le processus de fabrication nécessite très peu de transformation, avec moins d’impact sur l’environnement, n’est pas toujours très répandue au Cameroun. D’ou la nécessité d’un changement de mentalités et la pertinence d’une telle initiative qui concours à mettre en place des approches qui permettent de trouver des solutions durables pour le développement et la modernisation de nos villes.
REACTIONS :
CELESTINE KEUTCHA COURTES – MINHDU

Nous avons recommandé à ces experts notamment au co-organisateur aucours de ces deux jours de penser à des recommandations pratiques qui vont nous permettre de porter des solutions durables lors de la célébration de la JMH à Ebolowa en octobre prochain mais également de porter ces recommandations qui peuvent permettre un retour à la construction de maisons en terre, moins chères et descentes qui accélèreront la croissance économique du Cameroun.
MAXIME TANKWA – PDG CAMEROON ECO-BUILDING SOLUTIONS SARL

Après une analyse de cycle de vie que nous avons mené sur 1m2 de mur en terre et en parpaings de ciment, il en ressort que sur un total de 100% de gaz à effet de serre généré par nos deux échantillons, le mur en parpaings détenait plus 95% du total des impacts. Ce qui permet de conclure que par rapport aux matériaux de construction dérivés du ciment, la BTC a un excellent bilan environnemental car elle nécessite peu de transformation et elle utilise une ressource locale et réutilisable.
De nos jours il serait primordial de limiter la croissance du réchauffement climatique dans le monde, et le secteur de la construction est le domaine ou nous pouvons intervenir le plus rapidement et efficacement possible pour réduire les quantités de béton et de ciment utilisées, en adoptant les matériaux locaux tels que la terre et bien d’autres … Car selon Damien RICOTIER, Professeur Agrégé de Génie Civil à Polytechnique Grenoble “le béton est le 2e produit le plus consommé dans le monde et 1 mètre cube de béton émet entre 500 kg et 1 tonne d’équivalent CO2 dans l’environnement de sa fabrication, construction, utilisation à sa destruction.”
Ce que ça fait…ça fait !