Depuis le 2 avril 2025, la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) via son Gouverneur Yvon SANA BANGUI, a annoncé l’entrée en circulation désormais officielle de nouvelles pièces de monnaie dans les 6 pays de la Communauté Économique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC). Une nouvelle porteuse d’espoir de soulagement pour les populations qui depuis plusieurs années subissent des frustrations multiformes dans leurs rapports quotidiens avec les commerçants et les transporteurs et ceci sous le prétexte du manque de monnaie. Mais c’est sans compter avec les mentalités pernicieuses des individus sans scrupules qui ont développé entre-temps des activités illicites mais lucratives qui concourent toutes à la raréfaction de ces pièces et qu’ils ne sont pas prêts à abandonner.
“Il n’y a pas de monnaie ! ” ou encore ” je n’ai pas de pièces “.Ces phrases , toutes les personnes ou presque, ayant vécues au Cameroun ces dix dernières années, l’ont au moins une fois entendue comme justification de ne pouvoir accéder à un service demandé, et ceci, dans tous les secteurs de la vie socio-économique . Comme conséquences de cette ” guerre froide ” entre commerçants et clients au sujet de la petite monnaie, des agressions verbales et parfois physiques entrainant quelque fois des morts d’hommes comme c’était le cas le 23 juillet 2020 lorsque le gendarme Armel LIPEMBE a perdu la vie à l’agence FINEXS VOYAGE de Douala à cause d’une piece de 100FCFA qu’on lui réclamait .
En effet, après s’être soulagé dans les toilettes payantes de cette agence à l’époque, il s’était vu réclamer une pièce de 100FCFA qu’il n’avait pas. D’après les témoignages de certains passagers qui avaient vécu la scène, ce n’était pas une question d’argent mais plutôt de petite monnaie puisque la victime avait sorti un billet de 500 FCFA qui n’avait pas pu calmer la colère du Gérant des toilettes qui ne voulait rien entendre . Ce dernier , fou de rage , exigeait à l’instant , une pièce de 100FCFA et rien d’autre. Une bagarre s’en était suivie et la victime avait malheuresement succombé aux coups qu’elle avait reçue .

L’arrivée de cette nouvelle vague de pièces de monnaies représente donc un réel espoir de retour à la normale dans les échanges commerciaux au Cameroun dans un contexte où ” c’est le client qui doit cherche la monnaie ” comme on le dit trivialement dans les marchés du pays. Un souhait qui entre en droite ligne avec les arguments mis en avant par la BEAC pour justifier la mise en circulation de la 3e vague de coupures de monnaie métallique après celles de 1958 et de 2006.
En effet, l’un des objectifs derrière le projet “Type 2024” qui est le nom de baptême de ces pièces d’argent, d’apres les explications du Gouverneur Yvon SANA BANGUI en visioconférence depuis Bangui en Centrafrique le 2 avril dernier, c’est l’amélioration significative de la flexibilité des transactions en espèces et par ricochet l’évolution de l’économie dans la Sous-Région. “C’est face à ces défis que la banque centrale a opté depuis 2023 de mettre en circulation une nouvelle gamme de pièces pour corriger toutes les insuffisances enregistrées et accompagner l’essor de nos économies ” à t-il déclaré.
UNE NOUVELLE PIÈCE DE 200FCFA POUR FACILITER LES ÉCHANGES COMMERCIAUX
Malheusement, les vieilles habitudes ont la peau dure et certains facteurs circonstanciels défavorables qui ont vu le jour ces dernières années et qui continuent de prosperer en ce moment, facilités par la quasi indifference des autorités ainsi que le laxisme des structures de contrôle et de régulation. Des réalités qui peuvent compromettre l’atteinte de cet objectif de normalisation des échanges commerciaux tel que pensé en amont par les experts de la BEAC.
Allusion est faite ici à ces nombreux individus motivés par le gain facile qui au fil des années ont développé soit des attitudes égoïstes , soit des activités informormelles qui leur permettent d’amasser chaque jour des fortunes autour de l’exploitation de ces pieces de monnaies. Le mal est profond et au-dela de la simple dissémination d’une nouvelle vague de pièces dans la Sous-Région, mettre fin à ces pratiques devient un impératif complémentaire.
En effet, en terme d’attitude égoïste et pernicieuse , évoquons le cas de ces commerçants qui , même disposant de la petite monnaie , refusent actuellement de rembourser à un client plus de 200f ( soit 2 pièces de 100f CFA). Comme argument, ils avancent tous la prudence et la sagesse : ” ne jamais rembourser toutes les pièces à un client qui vient d’être servi et qui s’en va , alors qu’un autre peut arriver avec une plus grosse commande à ne surtout pas perdre pour manque de pièces ” nous a expliqué EDZIMBI Patience , vendeuse de fruits au Carrefour Mvog-mbi à Yaoundé .
Il est donc quasiment impossible dans un marché au Cameroun de nos jours d’acheter un avocat qui coûte 150FCFA ou 200FCFA, avec en main, un billet ou une pièce de 500FCFA. Le vendeur va vous répondre : ” Je n’ai pas de pièces “. Ce comportement qui s’est généralisé pourrait disparaître avec la circulation de la nouvelle pièce de 200FCFA qui constitue l’une des innovations de “Type 2024 “.Toutefois, un gros travail d’éducation et de sensibilisation des masses sur les inconvénients de ces attitudes qui impactent négativement la chaîne des échanges commerciaux devra être fait par les différents acteurs concomitamment.
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UNE MONTÉE EN PUISSANCE DE LA VENTE DES PIÈCES
Parmi les mauvaises activités à décrier, la montée en puissance du nouveau phénomène de vente des pièces à travers lequel les taximens, les mototaximens , les commerçants ambulants mais aussi les mendiants ravitaillent contre rémunération les autres commerçants demandeurs notamment les tenanciers de bars , de snacks, les boutiquiers, les pompistes ainsi que toutes les autres personnes ayant besoin de pièces de monnaie.
Ce commerce informel est basé sur un principe simple : “10000f à 500f” comme il est dit dans leur jargon. En d’autres termes, le ” vendeur ” remet des pièces d’un montant de 9500FCFA ( soit 95 piéces de 100f qu’il aura réussi à mettre de côté ) à son “client ” contre un billet de 10 000 FCFA ou deux billets de 5000FCFA. Ce qui rapporte donc 500FCFA à chaque transaction. Conséquence, la petite monnaie ne se “donne” plus facilement au Cameroun, elle se vend .
Une pratique qui tend actuellement à se démocratiser contribuant aussi à la raréfaction des pièces. Ce qui explique aussi pourquoi certains commerçants sont retissants avec la petite monnaie. Comment trouver un moyen pour mettre fin à cette pratique informormelle qui se fait de gré à gré ? C’est là la clé du mystère.
Également à dénoncer, les agissements de certains propriétaires de salles de jeux qui au lieu de mettre à la disposition de leurs clients les jetons de casino apropriés pour cette activité, préférent les laisser introduire de véritables piéces d’argent, 100FCFA ou 50FCFA le plus souvent, dans leurs machines. Ces sommes d’argents stockées dans ces apareils des semaines durant déstabilisent à suffisance les transactions commerciales.
La nouvelle forme des pièces de 100FCFA et 50FCFA désormais exagonales plutot que rondes comme avant, devra en principe permettre de résoudre ce problème . Mais serait-ce suffisant pour dissuader les exploitants de salles de jeux dans leur mafia ? Il va falloir aux autorités plus que jamais par le passé , mettre en place des mécanismes de contrôle plus rigoureux dans les salles de jeux pour y remédier.
Et autre activités nettement plus pernicieuse qui entraîne davantage la rareté des pièces c’est leur exportation illégale à l’étranger . Du fait des matériaux qui la compose la pièce de 100FCFA sous ses anciennes formes vaudrait entre 1 et 1,50 euro d’après les explications du Gouverneur de la BEAC.
Les camerounais, souvent en complicité avec leurs partenaires étrangers, ont ainsi développé ces dernières années des réseaux qui récupèrent ces pièces de monnaie sur l’ensemble du territoire pour les exporter vers l’Asie en général et la Chine en particulier où elles sont transformées en bijoux et revendus sur le marché international.
En novembre 2008 , des pièces de monnaie d’une valeur de près de 2 millions de FCFA , en pièces de 100FCFA et de 50FCFA, contenues dans 32 sacs, avaient été saisies par la Gendarmerie au quartier Ndogbong à Douala . Un camerounais et un chinois arrêtés .
Le choix de l’inox pour la production de ces nouvelles pièces s’explique par une volonté de la BEAC de mettre fin à toutes ces initiatives de réutilisation. Espérons seulement que d’autres activités de transformation autour des matières qui composent ces nouvelles pièces de la gamme 2024 ne naissent pas d’ici à là.
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POURQUOI NE PAS REVENIR À L’OPTION DES BILLETS ?
Et pour une solution définitive, pourquoi ne pas revenir à l’option des billets pour ces petites coupures comme ce fut le cas par le passé ? Il existe déjà un billet de 500FCFA. La BEAC pourrait également mettre en circulation un billet de 200FCFA, de 100FCFA, de 50FCFA, de 25 ou de 10 FCFA . Les camerounais d’un certain âge aiment à nous raconter qu’à leur époque ces billets ont bel et bien existé.
Les billets ont l’avantage qu’ils font moins de bruits , prennent moins d’espace pour les stocker ou les transporter et qu’on les range plus facilement dans une poche comme dans un porte-monnaie. De plus, on n’introduit pas les billets dans une machine à sous et on ne les tranforme pas en bijoux . À moins que des études viennent à démontrer que les billets de banque soient moins adaptés au petit commerce que les pièces .
La BEAC dans sa stratégie projette injecter environ 3 milliards de FCA en pièces d’ici 2030 dans l’espace CEEAC à raison de 500 millions chaque année dès ce mois d’avril 2025 dans l’optique de résoudre définitivement ce problème de pénurie de pièces.
Ce que ça fait…ça fait !